C'est presque avec insolence que Persona 3 et Persona 4 avaient imposé leur style détonnant, se plaçant comme des pierres angulaires du J-RPG moderne. Pourtant, la série n'a guère commencé avec les «social links», et Persona 2 : Innocent Sin se présente comme un jeu plus classique dans son déroulement, mais pas moins sage que ses jeunes frères. Jamais sorti hors du Japon, le titre nous est finalement parvenu avec 12 ans de retard dans un remake PSP, emportant avec lui sa sulfureuse réputation.
Aux côtés de Xenogears ou autres Chrono Cross, Persona 2 : Innocent Sin fait partie de ces jeux de l'âge d'or de la première PlayStation, encensés pour leurs scénarios que l'Europe n'avait jamais pu découvrir. N'ayant pas même atteint les côtes américaines dans sa version PSX, le titre nous parvient donc dans cette version PSP, censurée néanmoins. Car à l'époque, au Japon, si le jeu n'avait pas connu un succès énorme, il avait fait parler de lui pour des raisons célèbres dans le milieu du J-RPG, et que je tairais afin de ne pas gâcher la surprise à ceux qui ne sont pas encore au courant. Le scénario si encensé du jeu nous est livré quasiment intact à 2 ou 3 détails près, et les censures n'ont pas le moindre impact sur ce dernier. Elles sont elles-mêmes sujettes à polémique pour certaines, preuve s'il le fallait qu'Atlus aime déranger.
Résumer en quelques mots le scénario de base de Persona 2 : Innocent Sin est difficile. Vous incarnez Tatsuya Suou, lycéen dans la ville japonaise de Sumaru, qui est un protagoniste muet. Au moment où commence le jeu, la ville est parcourue d'intenses rumeurs, dont celle du Joker, qui exaucerait les vœux. Suite aux évènements éveillant leur Persona, leur « autre moi », les héros procèdent au rituel d'invocation du Joker, pour prouver toute l'imposture de ce dernier. Mais celui-ci apparaît, et semble alors vouer une haine incompréhensible envers Tatsuya. Au lieu d'exaucer les vœux du groupe, le bougre absorbe l'âme de leurs amis et s'enfuit. Ainsi commence la course-poursuite pour mettre la main sur le blanc personnage, alors que Sumaru sombre peu à peu dans la folie sous l'impulsion des rumeurs, qui deviennent toutes réelles. Qui est ce Joker ? Pourquoi déteste-t-il Tatsuya ? Et pourquoi les rumeurs prennent-elles forme ?
Très clairement, le début est décousu, et peut-être un peu difficile à suivre, nous posant énormément de questions, auxquelles s'ajouteront bien d'autres. Mais s'arrêter ici serait une erreur. Le récit que nous propose le jeu est magistral. Partant de quelque chose d'original, il monte en puissance tout au long du jeu pour finir par exploser comme il faut, exploitant à la perfection les thèmes qu'il aborde, dont les liens sociaux entre les personnes si chers à la série. Délicieusement hors-norme, à la fois dans l'ambiance folle et dérangeante qui la compose mais aussi par sa qualité, la trame de Persona 2 : Innocent Sin est brassée par une multitude d'influences tout à fait hétérogènes. Mais jamais le jeu ne se perd dans des incohérences, et c'est là la force de son histoire. A noter cependant que le soft est uniquement en anglais, et qu'un niveau correct est donc nécessaire pour le comprendre.
Mais si Persona 2 : Innocent Sin peut être vu comme un script hallucinant, il ne faut pas oublier ses autres qualités. Le remake joue la carte de la fidélité, et la majeure partie des graphismes n'est guère retouchée. Ainsi, les personnages en 2D sur fond d'environnements en 3D ne profitent que de l'écran 16/9ème de la PSP, pour un résultat correct. Ce qui change, c'est l'interface. Et là, l'édition PSP est un véritable délice, surtout quand on connait l'ergonomie douteuse du jeu original. Se parant d'une très jolie couleur rouge sombre, les menus sont stylisés et facilement compréhensibles, un bonheur. L'autre léger changement vient du lifting des portraits des personnages, bienvenu, qui va de pair avec le nouveau générique ajouté à ce remake, afin de coller un peu plus à Persona 3 et 4. Le tout est accompagné d'une bande sonore de qualité, supervisée par Shoji Meguro, proposant versions remixées et musiques originales, au choix.
Mais c'est là que vient le point le moins réussi du soft. Si dans la forme le jeu est optimal, le fond, et donc le gameplay, est beaucoup plus bancal. Sur le terrain, les rumeurs seront la mécanique principale, et sont bien utilisées, rien à en redire. Les combats sont au tour par tour, très old-school et tactiques, avec en parallèle la possibilité de contacter les démons que l'on affronte et de discuter avec eux, pour obtenir en cas de succès des cartes pour acheter de nouvelles Persona, et autres petits bonus. Le problème, c'est que ces combats sont lents, très lents. La lourdeur qui en découle pourra donc rebuter pas mal de joueurs, notamment au début du jeu, car il faudra du temps pour apprivoiser ce système de combat. Surtout que les développeurs ont quelque peu abusé sur le taux de rencontres aléatoires, au rythme moyen d'une douzaine de pas entre chaque combat.
Dernier souci, qui n'en sera pas un pour tout le monde, alors que les Shin Megami Tensei, dont est issue la série Persona, sont connus pour leur difficulté, cette version PSP du titre, contrairement à l'originale qui restait fidèle à cette réputation, est très facile. Aucun défi majeur ne sera rencontré avant la moitié du jeu. En dehors de ça, la durée de vie est correcte, puisqu'il faut compter une quarantaine d'heures de jeu pour voir la fin du scénario. Il faut aussi noter la présence d'annexes relativement bien cachées et en nombre satisfaisant, comprenant des boss supplémentaires et un donjon bonus par exemple, qui rajoutent quelques heures de jeu. Persona 2 : Innocent Sin est au final très différent de ses successeurs, mais pas moins bon. Il ne reste plus qu'à espérer que sa suite, Persona 2 : Eternal Punishment dont le remake PSP est déjà sorti au japon, nous parvienne jusqu'en Europe.
Les notes
Graphismes15/20
L’aspect visuel fleure bon la vieille époque, avec des personnages en 2D sur décors en 3D. S'il n'impressionne pas, il ne rebute pas non plus, laissant simplement apprécier le très bon design du jeu. Aucun changement majeur par rapport à la version originale, si ce n'est la nouvelle interface rouge sombre du plus bel effet, et une refonte bienvenue des portraits des personnages.
Jouabilité14/20
Si en soi le gameplay brut est convaincant, le tout est gâché par un taux de combats aléatoires bien trop élevé, et une lenteur parfois énervante. Mais en s’accrochant, le titre révèle tout son potentiel et devient plaisant à jouer. Même si l’ergonomie générale est largement améliorée par rapport au jeu original, l’âge du jeu se fait néanmoins ressentir.
Durée de vie15/20
La durée du scénario est dans les standards du J-RPG, à savoir une quarantaine d’heures de jeu, auxquelles s’ajouteront celles des annexes, bien plus nombreuses qu’elles n’y paraissent, surtout si votre but est d’obtenir les armes légendaires et les plus puissantes Persona. Il y a donc de quoi faire, surtout que le rythme du jeu est élevé, et rarement l’ennui viendra vous chercher.
Bande son18/20
Toujours dans le but de nous proposer une expérience proche de celle que l’on pouvait avoir à l’époque, nous avons le choix entre les musiques originales, et des remix de ces dernières. Que l'on choisisse les unes ou les autres (ce qui peut se faire à tout moment), on profite d'une bande-son de haut vol. Les voix, anglaises seulement, varient entre le moyen et le très bon.
Scénario18/20
Il ne faut pas se fier à un début légèrement mou et décousu. Le jeu est d’abord mené tambour battant par ses personnages fabuleux, avant que le scénario ne prenne le relais pour éclater à la face du joueur par sa dimension psychologique, tout en sombrant dans une exquise folie totalement maîtrisée et rationnelle. L’écriture est par ailleurs excellente. Seul bémol : le jeu est en anglais.
Porté par une ambiance envoutante dans un monde urbain, sublimé par le thème surpuissant des rumeurs, Persona 2 : Innocent Sin est de ces jeux que l’on joue pour le scénario avant tout. Malgré ses égarements de gameplay, c’est bel et bien à une petite perle auquel on a affaire, enfin accessible en Europe, et dont les amateurs de J-RPG auraient tort de se priver, à plus forte raison les fans des Persona plus récents.
Note de la rédaction
L'avis des lecteurs (12)
Lire les avis des lecteursDonnez votre avis sur le jeu !